L’incroyable restauration du Haut-Koenigsbourg au début du XXe siècle
L’incroyable restauration du Haut-Koenigsbourg au début du XXe siècle
Par Amandine Prückner, Guide-conférencière au Haut-Koenigsbourg & Guide-touristique à Strasbourg.
Incontournable, le Château du Haut-Koenigsbourg est l’un des sites majeurs du tourisme en Alsace. Situé à une soixantaine de kilomètres de Strasbourg, son histoire est vieille de plus de 900 ans. Cité pour la première fois en 1147, il va subir plusieurs remaniements successifs. Détruit au milieu du XVe siècle, il sera reconstruit à partir de 1479 par les Comtes de Thierstein, vassaux des Habsbourg. Le château subira ensuite la Guerre de Trente Ans (1618-1648). Assiégé par les Suédois en 1633, le Haut-Koenigsbourg sera incendié et laissé à l’état de ruine.
©DBV-Inventaire Alsace
Laissé à l’abandon pendant près de deux siècles et demi, le château devient un lieu de promenade au XIXe siècle. En 1862, il est classé « monument historique », puis est acheté par la ville de Sélestat trois ans plus tard. Le site sera offert à l’Empereur Guillaume II d’Hohenzollern en 1899, après le rattachement de la région à l’empire allemand, conséquence de la Guerre Franco-Prussienne (1870-1871). Le Kaiser y voit l’opportunité d’en faire un symbole de son pouvoir et de sa domination sur son territoire nouvellement acquis (l’Alsace et une partie de la Lorraine). Le Château du Haut-Koenigsbourg renaît donc de ses cendres au début du XXe siècle, après 8 ans de travaux.
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Un chantier moderne
La restauration du Château du Haut-Koenigsbourg a pour but de témoigner de la puissance impériale et d’assoir l’autorité du Kaiser Wilhelm II sur les territoires alsaciens et lorrains, ainsi que sur le reste de son empire. Qui dit gros symbole, dit aussi gros moyens mises en œuvre. C’est donc un chantier très moderne qui va se mettre en place sous la direction du jeune architecte berlinois Bodo Ebhardt, une sorte d’équivalent allemand de Viollet le Duc (Pierrefond et Carcassonne).
Une campagne photographique menée par l’architecte va permettre de faire un état de la ruine avant que les travaux ne soient amorcés. Va s’en suivre le déblaiement du site en 1900, ce qui va permettre de dégager de la ruine de nombreux éléments archéologiques comme de la ferronnerie, des carreaux de poêle (Kachelof) et aussi beaucoup de lapidaire.
Les travaux de restauration vont s’étaler de 1901 à 1908. Avec pour objectif la restauration de l’âge d’or du Haut-Koenigsbourg, soit l’époque des Comtes de Thierstein. Des moyens techniques de grandes envergures vont être mis en place :
• Une locomotive, nommée Hilda, sera utilisée pour le transport des pierres de la carrière de grès rose des Vosges jusqu’au chantier.
• L’électricité y fera même son apparition grâce à un système de dynamo, alors que les villages alentours devront attendre la fin de la Première Guerre Mondiale pour y avoir accès.
• Deux grues seront utilisées à divers endroits du chantier, comme le donjon, la tour du moulin ou même le moulin. Celles-ci pouvant être fixes ou mobiles, selon les besoin.
• L’eau, d’abord amenée manuellement par les ouvriers sur le chantier, sera ensuite acheminée grâce à un moteur à essence 3CV (1903) de la station de pompage construite en contre-bas du château. Le donjon sera doté d’un réservoir, ce qui permettra d’avoir l’eau courante au château.
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Un château médiéval
La volonté de l’architecte, Bodo Ebhardt, est de rester le plus fidèle possible au château du XVème siècle. Il va donc articuler sa reconstruction selon quatre principes scientifiques : l’analyse de la ruine grâce à la campagne photographique menée au début du siècle, l’analyse des textes historiques concernant le château comme des inventaires datant de l’époque Thierstein, la collecte de tous les objets retrouvés lors des travaux et la comparaison du site avec d’autres ayant les mêmes caractéristiques : château fort de montagne datant de la fin du Moyen-Âge germanique.
Le Château du Haut-Koenigsbourg devient alors, un de château fort type avec des éléments venant de châteaux de régions voisines comme la Suisses avec le Château-basilique de Valère à Sion (La Légende des Neufs Preux se trouvant en cour intérieure). Bodo Ebhardt entend faire de ce site un musée du Moyen-Âge, d’où la présence d’une collection de meubles et d’armes, achetés aux enchères à partir de 1904 par la Hohkönigsburgverein.
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Un château impérial
Possédant une histoire forte liée à deux grandes familles du Saint-Empire-Romain Germanique, le château représente une réelle opportunité pour Guillaume II. Ainsi il peut s’inscrire à la suite des Hohenstaufen et des Habsbourg, et donc justifier son pouvoir ici en Alsace, mais aussi dans le reste de son empire.
Le Haut-Koenigsbourg va donc servir d’objet de propagande au service de l’empereur. Cela passera notamment par des symboles forts, comme des aigles impériaux ou ses initiales présentes un peu partout sur le circuit de visite. Mais par la décoration des différentes pièces du château par l’artiste strasbourgeois Léo Schnug.
Léo Schnug travaillera à la décoration du château de 1909 à 1914, il réalisera, par exemple, les peintures de la Salle du Kaiser (1912) et de la Salle des Trophées de Chasse (1914). C’est lui aussi qui dessinera les costumes du cortège « historique » de l’inauguration du château du 13 mai 1908. Léo Schnug est aussi connu pour être l’auteur des peintures de la Maison Kammerzell à Strasbourg (1904-1905).
De tout temps, le château a servi de symbole de pouvoir. Au XXème siècle, il sera acteur de l’instrumentalisation du Moyen-Âge comme moyen de propagande. La modernité de son chantier sera un exemple de la puissance technologique développée par l’Empire d’Allemagne dès la fin du XIXème siècle, tout comme le Fort de Mutzig (premier fort en béton armé et électrifié) ou le quartier de la Neustadt à Strasbourg.
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L’auteur
Cet article a été écrit par Amandine Prückner, Guide-conférencière au Haut-Koenigsbourg & Guide-touristique à Strasbourg.
Si vous voulez en savoir plus sur ce chantier, il y a des visites thématiques nommées Quel chantier !
Sur réservation au 03 69 33 25 00.
Toutes infos sur le site du Haut-Koenigsbourg
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Bravo, Amandine, pour l’énorme travail que vous avez accompli afin de nous informer sur la restauration de ce qui est ensuite devenu, par voie de conséquence, la « Perle de notre Région ». Merci mille fois.
Bonjour. J’ai visité ce château en 1990. Il m’a laissé une très forte impression et j’en parle très souvent. Je retournerais volontiers le voir. Vous avez fait un très beau travail de recherches et le mieux c’est que vous le transmettez. Merci.